Le 12 oct. 2022, Jean Lorcy, l’un des cofondateurs d’Atelier Populaire a publié une tribune engagée dans Les Échos, sur le marché du bio en France.
À l’heure où l'on annonce que ce secteur porteur depuis 5 ans est en repli, nous proposons une analyse à contre-courant : "Et si le problème c'était l'offre et pas la demande ?”.
Pour en savoir plus, nous vous proposons de lire la tribune en entier ci-dessous :
Opinion | Bio : le problème c'est l'offre, pas la demande
“Le bio en baisse”. “Le bio un luxe réservé aux plus aisés.” “Le bio, première victime de l’inflation”. Alors que les indicateurs économiques de cette fin d’année 2022 indiquent un recul du marché du bio, il y a urgence à ne pas céder à la panique court-termiste et à rester lucides. Le bio n’est pas fautif, il compte parmi les solutions incontournables pour résoudre l’échec du système actuel. C’est aujourd’hui la seule filière économique qui contribue à satisfaire des besoins individuels vitaux comme l’alimentation et l’hygiène tout en produisant des externalités positives importantes.
Alors, si le bio n’est pas fautif, qui est le coupable ? Le consommateur qui, une fois de plus, ferait les mauvais choix ? Comme toujours, surtout lorsqu’il est question d’écologie, la facilité consiste à stigmatiser les français qui feraient le choix du portefeuille plutôt que celui de la planète. La soi-disante crise du bio serait une version soft power des gilets jaunes ! C’est cette interprétation stigmatisante que nous souhaitons dénoncer.
Les actes de consommation ne peuvent pas être systématiquement conscients et éclairés. Nous ne pouvons pas demander aux clients de prendre des décisions militantes à chaque fois qu’ils posent un produit dans leur panier. Nous avons une responsabilité majeure en tant qu’acteurs économiques : inventer de meilleurs produits et donner envie de les acheter. Aux producteurs comme Atelier Populaire revient la mission d'innover et de proposer des produits de grande consommation qui font la différence. Aux distributeurs revient la mission de sélectionner avec soin les produits proposés aux clients et de promouvoir les produits qui font la différence.
Le recul du bio en 2022 s’explique en grande partie par des dé-référencements dans les rayons de la grande distribution ; c’est bien un acte volontaire qui a consisté à substituer des produits conventionnels à des produits bio au nom de l’inflation. En parallèle, la montée en puissance de marques copiant les codes du bio a accentué la défiance légitime à l’égard du greenwashing. La relation entre producteurs éthiques et distributeurs plus engagés est donc la seule issue possible pour permettre des décisions d’achats éclairées au sein-même des rayons. Problème ? Il nous est très difficile à nous producteurs d’avoir accès aux rayons des grandes enseignes, même spécialisées dans le bio, qui ont tendance à éviter les innovations en période de “crise”.
L'exemple de l'hygiène du quotidien est frappant. 77% des français se lavent avec du gel douche conditionné en emballages plastiques, fréquemment renouvelés. Ces gels douche contiennent en moyenne 70% d’eau, très souvent des dérivés de la pétrochimie, des perturbateurs endocriniens et des allergènes. Même bio, ces produits sont nocifs pour l’environnement et reviennent plus cher à l’usage qu'un savon à froid bio quand on lisse les dépenses à l’année. Pourtant, les gels douches ont été imposés dans les rayons parce que plus rentables et séduisants que le savon.
Notre analyse est la suivante : les distributeurs et les marques peuvent avoir une contribution positive significative aux grands défis actuels. À nous producteurs de créer des produits qui vont plus loin que le bio mais qui résolvent aussi l'équation prix, performance produit et éthique de fabrication. Et à vous distributeurs de mettre en avant ces produits de nouvelle génération dans les rayons de vos magasins pour permettre à ceux qui n'ont - légitimement - que 3 secondes d'attention à accorder à chacun de leur choix de consommation de prendre la bonne décision.
Ce pari de long terme s’inscrit à contre-courant des analyses actuelles qui mettent en avant un problème de demande plutôt que d’offre, mais une certitude profonde nous anime. Consommer 100% bio ne coûte pas plus cher pour peu qu’on change ses habitudes. Et pour le mieux car il est désormais certain que les produits qui nuisent le moins à la planète sont aussi ceux qui nous nuisent le moins à nous.